A l’exception de Mars Attack!, les années 90 ont été pour Tim Burton une décennie
quasi-parfaite. Superbement ouverte par Edward aux mains d’argent en 1990 et brillament conclue par Sleepy Hollow en 1999.
Quand il s’agit d’aborder les années 2000,
en revanche, on reste (de plus en plus) sur notre faim. Pour le dire
clairement, à l’exception de Big Fish,
on y trouve exclusivement des ratés (La
Planète des Singes, Sweeney Todd,
Alice aux pays des merveilles) et des
films « bof-bof » seulement sauvés par la réutilisation de formules
qui avaient mouche par le passé (Charlie
et la Chocolaterie et Les noces
funèbres).
Mais nous sommes ici pour parler de Big Fish, et ça tombe bien puisque c’est
un bon film. C’est un film qui reprend à peu près tout ce qui a fait les grands
films de Tim Burton. C’est-à-dire que la plupart du temps, à la manière des
contes que l’on raconte aux enfants, il évoque les choses sans véritablement
les dire, mais d’une façon si appuyée qu’elles nous touchent. On trouve
d’ailleurs ici quelques personnages communs à la plupart de ces contes :
une sorcière, un géant.
Et puis, il y a cette ville de Spectre. Cette ville où les habitants vivent heureux dans un grand champ d’herbe, cette ville où l’on sait à l’avance à quelle heure vous allez arriver, cette ville dont les habitants sont toujours encerclés d’une lumière divine, cette ville dont la perception change selon l’âge auquel on y est confronté. Cette ville, évidemment, c’est le paradis. Ou peut-être que c’est l’enfer. En tout cas, ça ressemble à la mort.
Et puis, il y a cette ville de Spectre. Cette ville où les habitants vivent heureux dans un grand champ d’herbe, cette ville où l’on sait à l’avance à quelle heure vous allez arriver, cette ville dont les habitants sont toujours encerclés d’une lumière divine, cette ville dont la perception change selon l’âge auquel on y est confronté. Cette ville, évidemment, c’est le paradis. Ou peut-être que c’est l’enfer. En tout cas, ça ressemble à la mort.
Tout le film part d’une scène bien précise
de la vie d’Edward. Tout jeune garçon, il a choisi de voir dans l’oeil de la
sorcière la façon dont il allait mourir. A partir de là, libre à lui de faire
tout ce qu’il souhaite accomplir dans le temps qui lui est imparti. Il sait que
tout ce qu’il fera (la guerre en Corée, la traversée de la forêt « hantée »...)
ne causera pas sa perte. En quelque sorte, il adopte et applique l’expression
« Ce qui ne tue pas rend plus fort », tout en connaissant la seule
chose qui le tuera. Par cet intermédiaire, Tim Burton nous livre là sa propre
interprétation du destin.
"A man tells so many stories, that he becomes the stories. They live on after him, and in that way he becomes immortal."
Le film cherche à poser la question de la
réalité, et plus indirectement de la religion. Est-ce que la foi peut rendre
des choses incroyables vraies ? La foi d’Edward Bloom, c’est l’aventure.
Cette phrase sonne comme une accroche publicitaire, mais elle est pourtant bien
vraie. A l’en croire, Edward Bloom a passé toute sa vie à chercher à repousser
ses limites et ne s’est jamais vraiment décidé à se poser dans une vie
tranquille. A partir du moment où il a décidé de quitter son petit village
enfermé, il a vécu mille aventures parmi les personnages les plus extravagants.
Le film enchaîne les passages de narration,
qui suivent les aventures d’Edward à travers le monde, les guerres et les
enchantements qu’il a traversés et le moment présent. Il est au seuil de
sa vie, et son fils, qui ne l’a jamais vraiment pris au sérieux et à qui il n’a
pas adressé la parole depuis plusieurs années, est là. Sa belle-fille est sous
le charme de ses talents de conteur, mais son fils bougonne. Car être un aventurier
engendre des sacrifices inévitables. Et, dans le cas d’Edward Bloom, c’est sa
famille qu’il a sacrifié. Il doit la fidélité de sa femme à l’émerveillement qu’elle
accorde à ses histoires. Mais sa relation avec son fils est inexistante, et ce
dernier ne croit pas un mot à ses histoires.
Or, c’est à travers les yeux de ce fils,
et de sa femme (campée par la grosse cruche Marion Cotillard), que nous suivons l’histoire, qui est ainsi toujours empreinte
de septicisme. C’est de là d’après moi que viennent toutes les maladresses du
film. Elles ne sont pas nombreuses mais elles sont présentes. A l’image de William
Bloom, nous sommes toujours en train de nous poser la question de savoir si ce
que raconte Edward est véridique. Le spectateur est obligé de remettre en
question tout ce qui se passe sous ses yeux. Bien sûr, le talent de Tim Burton
explique que, par moment, on baisse la garde et on se laisse emporter dans une
des aventures d’Edward. Mais jamais trop longtemps, dès qu’on commence à
prendre ses marques et à faire confiance à Edward, en
commençant même à bien l’aimer, le présent revient. Edward est mourant, et Will
sceptique. Ce qui n’est pas une mauvaise chose, en soi. Mais le problème, c’est
le revirement de situation final, qui, à mon goût, enlève beaucoup à la féerie
de l’histoire.
Dans l’une des dernières scènes, Will se
laisse prendre au jeu d’Edward, et tombe dans ce monde magique. Il raconte à
son père comment il va mourir et comment tous ses personnages auxquels il n’a
jamais cru viendront le saluer une dernière fois, lui qui a marqué tant de
destins. Secoué et affaibli par l’état de son père qui meurt sous ses yeux, il
s’abandonne à la version des faits qu’il a toujours boudé, à laquelle il ne s’est
jamais ouvert. Et c’est ainsi que, quelques jours plus tard, pour l’enterrement,
il voit véritablement débarquer sous ses yeux ces chanteuses siamoises, poète
maudit (Steve Buscemi), Monsieur Loyal (Danny DeVito) et autre géant. Que
doit-on déduire de ça ? Qu’Edward n’a jamais menti ? Ou que Will est
maintenant lui aussi embarqué dans ce monde auquel il faut croire pour le voir ?
Quelle que soit la réponse, elle est, comme souvent au cours de cette dernière
décennie, bien réductrice et vient rendre ce final un peu amer...
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